
Le gouvernement vient de dévoiler un plan ambitieux qui marque un tournant dans la régulation de la formation professionnelle. Porté conjointement par Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail et de l’Emploi, Philippe Baptiste, ministre de l’Enseignement supérieur et Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, ce plan interministériel inédit affiche un objectif clair : “la tolérance zéro face aux abus”.
“Certains organismes de formation ont fait de promesses trompeuses un argument de vente, et des pratiques frauduleuses un modèle de financement. Nous ne pouvons plus l’accepter”, déclare Élisabeth Borne dans l’édito du dossier de presse. Cette prise de position ferme annonce des changements majeurs pour l’ensemble des acteurs de la formation professionnelle.
Quatre axes stratégiques pour transformer le secteur
Le plan gouvernemental s’articule autour de quatre axes d’action qui redéfinissent les règles du jeu :
1. Renforcement de la qualité des formations
Le premier axe vise à “garantir que les contenus des formations s’inscrivent bien dans une perspective professionnelle et permettent aux apprenants d’acquérir les compétences requises par le marché du travail”. Concrètement, les organismes préparant à des certifications professionnelles devront désormais réaliser des actions couvrant l’ensemble du référentiel de compétences.
Une mesure particulièrement structurante concerne l’introduction d’une habilitation obligatoire pour former sur les diplômes du CAP au BTS. Jusqu’à présent, “les organismes de formation peuvent actuellement former sans autorisation préalable sur les diplômes du CAP au BTS”, une situation qui ne permet pas aux rectorats d’assurer un contrôle suffisant.
2. Protection renforcée des jeunes et des actifs
Le plan prévoit un encadrement plus strict de certaines pratiques contractuelles identifiées comme problématiques. Le projet de loi interdira notamment les “clauses qui imposent le versement de frais de réservation préalables à la confirmation d’inscription dans un CFA” et celles “privant l’apprenti d’un remboursement au prorata temporis des frais administratifs”. Cette approche s’accompagne d’une volonté de mieux informer les jeunes dans leurs choix d’orientation. L’apprentissage, secteur dynamique mais également surveillé, continue de faire l’objet d’ajustements réglementaires après les réformes déjà mises en œuvre cette année.
3. Amélioration de l’information et de la transparence
L’objectif est de permettre aux futurs apprenants de “choisir leur formation en toute connaissance de cause”. Une obligation légale sera mise en place d’ici fin 2026 pour que “les organismes de formation ne puissent communiquer que sur les données du système national” concernant l’insertion professionnelle.
4. Lutte contre la fraude avec “tolérance zéro”
Le plan prévoit des mesures drastiques pour “empêcher l’accès ou le maintien de fraudeurs dans le secteur de la formation”. Les services de l’État pourront désormais suspendre la déclaration d’activité d’un organisme en cas de simple suspicion de fraude.
Qualiopi au cœur des transformations
Extension du champ d’application
L’une des mesures les plus impactantes pour les OF concerne l’extension de l’obligation Qualiopi. Le projet de loi prévoit d’étendre cette obligation à “tous les organismes de formation préparant à des certifications professionnelles”, notamment ceux qui se financent uniquement par des frais de scolarité. Seront également concernés “les organismes de formation qui sont financés par les Fonds d’assurance formation des non-salariés (FAF)”.
Nouveaux indicateurs pour l’apprentissage
Le référentiel Qualiopi sera enrichi avec de nouveaux indicateurs spécifiques aux CFA. Ces derniers devront notamment :
- “Clarifier leurs missions, notamment dans l’accompagnement pédagogique et l’alternance des temps entre formation théorique et pratique en entreprise”
- “Disposer de pratiques déontologiques dans l’affichage de la formation et de sa reconnaissance par l’État”
- Assurer “la bonne prise en compte dans la formation des compétences permettant l’exercice en sécurité du métier”
Renforcement des audits qualité
Les modalités d’audit évoluent significativement :
- Les contrôles sur place seront systématisés
- La présence du dirigeant lors de l’audit devient obligatoire
- Les auditeurs Qualiopi devront obtenir “une formation certifiante enregistrée au répertoire spécifique” pour pouvoir être en capacité de mener un audit auprès d’un OF
Nouveau rôle de France Compétences
France Compétences se voit confier “un rôle de coordination des organismes certificateurs délivrant Qualiopi” avec un pouvoir de recommandations auprès du COFRAC. Cette mesure vise à “mieux réguler les pratiques des organismes certificateurs Qualiopi”.
Enjeux majeurs pour les organismes de formation
Un standard qualité plus exigeant
Le plan gouvernemental établit clairement que “l’accès aux fonds publics ou à la reconnaissance de l’État d’un organisme doit avoir pour contrepartie une garantie sur la qualité des processus d’acquisition ou d’apprentissage des savoirs”. Cette exigence se traduit par “un standard minimum plus élevé notamment pour les organismes qui dispensent des formations en apprentissage”.
Face aux nouvelles exigences réglementaires, les organismes de formation n’ont plus d’autre choix que d’adopter une communication transparente. Cette transformation passe nécessairement par l’engagement de toutes les équipes dans les processus qualité, seul moyen de garantir une information fiable et accessible.
Coordination renforcée des acteurs de la formation
Le nouveau cadre prévoit une meilleure coordination entre les différents acteurs impliqués dans les processus d’audit qualité. L’objectif est d’éviter que les organismes “se retrouvent confrontés à des contrôles successifs menés par les financeurs et l’administration”. Un système d’information partagé permettra “un véritable changement d’échelle et de paradigmes”.
Bénéfices attendus pour les apprenants
Cette réforme ambitieuse promet plusieurs améliorations concrètes pour les apprenants :
- Meilleure information : grâce à une communication obligatoire basée sur les données nationales d’insertion
- Protection renforcée : avec l’interdiction des clauses abusives et la possibilité de résiliation sans frais jusqu’à 30 jours avant le début de formation
- Qualité garantie : par un renforcement des processus de certification et de contrôle
- Signalement facilité : avec une communication renforcée sur les dispositifs d’alerte existants
Comment anticiper cette réforme dès maintenant
Réviser son référentiel qualité
Les organismes de formation ont tout intérêt à anticiper ces évolutions en révisant leurs procédures internes. Il convient de :
- Analyser l’alignement entre pratiques pédagogiques réelles et déclarations Qualiopi
- Documenter tous les résultats concrets des formations (taux d’insertion, taux de réussite)
- Renforcer la transparence dans la communication sur les objectifs, conditions de certification et modalités d’alternance
Préparer les équipes aux nouveaux standards
La présence obligatoire du dirigeant lors des audits et la certification des auditeurs imposent une préparation en amont. Il est recommandé d’impliquer l’ensemble des équipes dans la démarche qualité pour assurer une appropriation collective des standards Qualiopi.
Une opportunité pour les organismes vertueux
Malgré un niveau de rigueur passant à l’étape supérieure, cette réforme représente une véritable opportunité pour les organismes de formation sérieux. Comme le souligne Astrid Panosyan-Bouvet : “Nous la devons à tous ceux qui veulent se former comme à tous ceux qui financent directement ou indirectement les formations et à tous les organismes vertueux qui la dispensent.”
Le pari du gouvernement est que cette régulation accrue transformera la dynamique concurrentielle du secteur de la formation professionnelle. En théorie, les organismes privilégiant la qualité devraient bénéficier d’un avantage dans un marché où les critères d’évaluation évoluent, même si l’efficacité réelle de ces mesures reste à démontrer sur le terrain.
Un calendrier de mise en œuvre échelonné
La plupart des mesures entreront en vigueur progressivement entre le second semestre 2025 et 2026.
Ce plan interministériel marque indéniablement un tournant dans la régulation de la formation professionnelle française. Pour les organismes de formation, le message est clair : l’heure est à la professionnalisation et à la transparence. Ceux qui sauront anticiper et s’adapter à ces évolutions disposent d’une opportunité unique de renforcer leur positionnement sur un marché en cours de restructuration profonde.
Pour en savoir plus, vous trouverez ici le dossier de presse publié par le gouvernement.
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